Une signalétique anxiogène,
un enfant porté malheureux,
des majuscules ÉCRASANTES,
et des affirmations plus que discutables.
Qu’avons-nous là ? Un joli combo de désinformation et de manipulation marketing. Parce que, bien sûr, on va vous vendre quelque chose pour que vous ne mettiez plus ni votre enfant ni vous en danger. On ne va pas vous laisser dans l’ignorance et le péril, quand même. On est sympas…
Alors, soyons encore plus sympas : en cinq minutes, un petit décryptage express.
NOTE : les écrits critiqués dans cet articles ont été vus sur Instagram. Ils proviennent du post public d’un organisme de formation en portage français. Cet article est fait pour vous encourager à questionner et remettre en perspective ce que vous pouvez voir, lire et entendre sur le portage.
« LE FACE AU MONDE » NON
- Risque de chute : Ici, on parle bien de celle du bébé et du parent. Mais, surprise, ce risque existe avec tout moyen de portage mal réglé ou mal installé, quand la répartition du poids du bébé n’est pas adaptée à l’activité ou en cas de conditions défavorables (escaliers, verglas, boue). Bref, même règle que partout : prudence et ajustement du portage. Pas besoin d’effrayer tout le monde.
- Surstimulation : Oui, c’est possible que votre bébé en ait marre, un jour, de voir l’œuvre de l’humanité en direct et qu’il montre des signes d’agacement. Du bon sens : on met en pause ce portage (souvent de toute façon, il hurle, donc ce n’est pas très motivant) et on revient à un bon vieux câlin. Avec le temps, on apprend à reconnaître les signes annonciateurs de ras-le-bol et on agit avant la crise. Tout le monde passe alors un bon moment. Et puis, la surstimulation dépend du lieu, de l’activité, de l’âge et du caractère du bébé… nuançons.
Douleurs dorsales pour le parent : Ah, là on entre dans le drame… ou pas. Souvent, un parent qui porte face au monde est déjà un parent CONDAMNÉ (oui, moi aussi je peux utiliser des majuscules stressantes) à porter son bébé à bras dans cette position. Donc, le mal de dos, il connaît. Comme le mal aux bras et aux épaules… Bref, porter face au monde le libère un peu. Et parfois, devinez quoi, il n’a même pas mal. Eh oui, on n’est pas tous identiques !
Enroulement et développement moteur RALENTI : Sources ? Parce que, malgré les recherches de nombreuses formatrices, rien n’indique cela. Oui, l’enroulement est important, mais l’enfant a surtout besoin d’une alternance entre enroulement, extension, mouvements variés et exploration. Le portage face au monde peut offrir une diversité de sensations. Ce n’est ni obligatoire ni nuisible, mais une expérience parmi d’autres.
Et le FINAL : « Pour apprendre à bien porter… » (en majuscule bien sûr). Un petit message subliminal pour te faire comprendre que si tu portes face au monde, tu portes MAL. Quelle délicatesse… Mais ne t’inquiète pas, on peut te former ! 🙂
« BIEN PORTER TON BÉBÉ » OUI !
Si jamais tu ne te sentais pas encore assez incompétent, pas de panique, on te le rappelle. Parce qu’après tout, rien de mieux que de t’enfoncer un peu plus dans le doute, histoire qu’on soit bien sûr que tu te sentes dépassé et sois motivé à investir dans une formation ?
- Apaisement et réduction de pleurs : Soyons honnêtes (et fidèles aux quelques sources sur le sujet) : l’apaisement est avant tout permis par le bercement et la proximité avec l’adulte. D’ailleurs, la plupart des études ayant mis en avent un lien entre portage et diminution des pleurs du bébé ont été faites avec des porte-bébés à bases étroites (donc où l’enfant n’était pas enroulé).
- Meilleur sommeil : sources ? Les miennes indiquent que c’est la proximité parentale qui améliore le sommeil. Mais donc les bébés portés s’endormiraient plus facilement que qui ? les bébés non portés ? les bébés qui dorment dans un lit au lieu d’un portage ?
- Bébé plus éveillé : Sources, encore ? Éveillé par rapport à quoi ? 3 minutes de portage par jour et hop, petit Einstein ? Et, au passage, ça ne contredit pas un peu l’argument du « meilleur sommeil » ? Bébé dort mieux ou est plus éveillé ? Décidez-vous, quand même.
- Soulagement des coliques et du RGO : Alors, oui la verticalisation, ça aide. Mais avouons-le : certains bébés RGO préfèrent être tendus comme des arcs. Les mettre en enroulement ? Bon courage (expérience perso et pro). Et devinez quoi ? Même un portage face au monde peut soulager un bébé douloureux : ça distrait, ça peut offrir moins de compression au ventre.
La légende du post
Parce qu’elle est à l’image du post : légendaire. Et surtout, discutable.
- « Le portage physiologique : bien plus qu’une pratique, un lien unique » : Dans l’idée, pourquoi pas ? En partage d’expérience, c’est chouette. Mais balancé comme une vérité universelle, c’est violent. Des parents qui ne peuvent pas porter, il y en a énormément (handicap enfant/ parent, hospitalisations, etc.). Ça sous-entend quoi pour eux ? Qu’ils manquent un lien essentiel avec leur enfant ? Sympa.
Quant à « physiologique »… Ce terme a fait son temps. Pour en savoir plus sur ma vision du terme appliqué au portage (en plus on parlait déjà portage face au monde dans l’article !), RDV chez TELP (Association Transmettre Ensemble Le Portage).
- « Le portage, c’est offrir un cocon de sécurité et de confort » : Oui. Mais ça peut aussi être juste un moyen de garder les mains libres, d’aller aux WC, de survivre à la journée… Parce que, spoiler : tout le monde n’a pas envie de transformer chaque geste en épopée parentale. Et il n’y a aucune culpabilité à développer de n’utiliser le portage qu’à des fins utiles. On développe un lien avec son enfant de milliers de façon différentes.
- » En rejoignant notre formation, tu apprendras à guider les parents dans cette aventure unique (décidément, on aime en faire des caisses !) avec expertise et bienveillance » : Ah, on y est ! Sans surprise, cette poésie n’avait qu’une unique finalité, vous vendre un service, et pas des moindre : une expertise professionnelle, pour accompagner des parents dans l’apprentissage du (seul et unique bon) portage !
Si l’expertise enseignée est à la hauteur des arguments du post, j’ai quelques doutes.
Quant à la « bienveillance »… Petit rappel : ça consiste à encourager, comprendre, et respecter les émotions des autres. Ici, on est plutôt dans la manipulation des peurs et aspirations, à des fins commerciales. On s’éloigne un peu du terme.
Mot de la fin…
A titre personnel, j’étais profondément déçue et heurtée ce matin en découvrant qu’en 2025, une école de portage, formant particuliers et professionnels, pouvait encore véhiculer de tels propos, notamment le portage face au monde.
Ça fait désormais quelques années maintenant, que nous sommes nombreuses – mamans passionnées, formatrices, monitrices – à examiner et analyser l’origine et la véracité de nos propos, à questionner nos connaissances et nos transmissions, et à œuvrer pour un portage plus inclusif, respectueux de toutes les réalités parentales.
Cet espace d’expression, je l’ai pris pour dénoncer, avec sarcasme, des pratiques que nous ne devrions plus voir en 2025. Faire culpabiliser, alarmer, stresser des parents (ou des professionnels) pour leur vendre un service, c’est tout sauf éthique, humain et bienveillant, et il est plus que temps d’arrêter avec ces méthode de marketing opportunistes et manipulatrices.
Autres articles liés : L’atelier de portage est-il une nécessité ? , Ce qu’on n’aimerait ne plus entendre (Série TELP – analyse de nos pratiques) , Mon bébé n’aime pas être porté.
Si vous aimeriez que je m’intéresse à d’autres écrits, partages, vidéos, n’hésitez pas à m’écrire !
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De lycéenne à Sans Les Mains Portage, première structure dédiée à l'accompagnement au portage en Alsace.